Report de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce : réflexions
Suite au report de la 12ème conférence ministérielle de l’OMC, Sofia Baliño d’IISD analyse cette situation sans précédent et ses éventuelles conséquences.
La nouvelle est tombée juste avant le weekend : l’Organisation mondiale du commerce (OMC) reporte sine die la 12ème conférence ministérielle, quelques jours à peine avant son lancement prévu à Genève. C’est lors d’une réunion tenue vendredi soir que le Conseil général a pris la décision, annoncée peu après par Bloomberg News et sur les réseaux sociaux.
La décision est le résultat de la crise sanitaire qui perdure, et vient en réponse aux nouvelles restrictions imposées par la Suisse aux voyageurs, dans le but d’empêcher l’arrivée sur son territoire d’un nouveau variant du virus de la Covid-19, potentiellement dangereux. Suite à ces restrictions, les délégations de plusieurs pays du sud de l’Afrique, ainsi que de la Belgique, d’Israël et de Hong Kong n’auraient pas pu être présentes à la conférence. Si de nombreuses procédures des Nations Unies sont passées en ligne du fait de la pandémie de Covid-19, et si les négociations de l’OMC à Genève se sont tenues en ligne pendant presque toute la pandémie, les membres de l’OMC ont indiqué clairement que les négociations au niveau ministériel devaient être menées en personne pour veiller à ce que tous les membres puissent participer sur un pied d’égalité.
Dans la communauté commerciale, il s’agit là d’une situation sans précédent. La décision de reporter la ministérielle devait être prise, non seulement d’un point de vue sanitaire, mais aussi compte tenu du fait que la tenue de la conférence dans ces circonstances auraient sapé la possibilité d’une participation inclusive. Cela signifie également que des mois et des années de travail réalisés par le secrétariat de l’OMC, les délégations, la société civile, le secteur universitaire et le secteur privé ont maintenant subi un coup dur, dont les résultats se manifesteront peut-être dans des mois, voire des années. Il s’agit d’une situation complètement inattendue. Il faut le reconnaître et faire preuve de compassion à l’égard des personnes qui ont produit ces efforts visant à la tenue des conférences ministérielles, et qui ont travaillé sans relâche pour veiller à ce que la conférence puisse être tenue sans accrocs et en toute sécurité.
Les conséquences de cette décision sur l’avenir des politiques commerciales et leur élaboration restent incertaines. Il faudra probablement plus de temps aux négociations en vue d’un accord visant à réduire les subventions néfastes à la pêche pour produire leurs fruits, compte tenu de l’orientation politique nécessaire à la finalisation du texte de l’accord. Ces décisions finales délicates doivent être prises par des ministres, qui doivent ensuite en défendre le résultat à l’échelon national. L’on ne sait pas quelles seront les conséquences pour d’autres questions en négociation, telles que l’approche à adopter sur le commerce et la santé publique, ou s’il faut renouveler le moratoire sur les droits de douanes sur les transmissions électroniques, et comment le faire. Toutefois, d’autres domaines, tels que les déclarations conjointes de groupes de membres de l’OMC, ne seront probablement pas affectés de la même manière, compte tenu que ces déclarations avaient, pour la plupart, été finalisées bien avant. L’on connaîtra peut-être dans les prochains jours la direction que prendront ces processus.
Mais les conférences ministérielles présentent un autre avantage intrinsèque, difficile à quantifier en termes de décision prise ou d’accord conclu. Elles représentent l’opportunité pour la communauté commerciale internationale de se rassembler en même lieu, d’apprendre à mieux se connaître, et de s’atteler à imaginer l’évolution du rôle de la politique commerciale. C’est l’événement que les personnes notent dans leur agenda des mois et des années à l’avance, elles planifient leur voyage et économisent en conséquences. C’est là que les nouvelles amitiés se tissent, et que les anciennes se renouent.
La pandémie de Covid-19 a déjà entraîné un écart significatif entre les ministérielles, quatre ans pour être exact. En temps normal, cette conférence se tient tous les deux ans ; la dernière en date s’est tenue à Buenos Aires, en Argentine, en décembre 2017. Personne ne sait combien de temps il faudra attendre avant de pouvoir mener à bien la CM12 de manière sûre et inclusive. Mais entre-temps, les discussions commerciales doivent se poursuivre, pour voir comment l’on peut concevoir un système commercial plus juste, capable de faire face aux défis actuels et futurs de la durabilité.
Les articles de ce numéro de Trade and Sustainability Review ont été écrits avant l’annonce du report de la CM12. Nous avons décidé de les publier sous leur forme originale, par respect pour les auteurs et les idées qu’ils présentent, dans le cadre de notre contribution collective à la conversation plus large autour de la manière dont les échanges peuvent soutenir le développement durable. Les événements du Trade and Sustainability Hub prévus cette semaine seront également tenus, sous forme complètement virtuelle, afin de soutenir la communauté commerciale dans la mesure de notre possible.
Nous remercions nos auteurs et nos lecteurs de leur soutien continu, et nous espérons que vous et vos proches vous portez bien en ces temps exceptionnellement difficiles.
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