Un commerce positif pour la nature au service du développement durable
La coopération internationale et l’alignement des politiques commerciales sur les réglementations environnementales, l’élimination des subventions préjudiciables et la promotion des pratiques durables peuvent contribuer à répondre à la crise de la biodiversité. Marianne Kettunen souligne le potentiel du commerce dans le soutien de la conservation, de l’utilisation durable des ressources et de la restauration.
Le rôle que jouent le commerce et les politiques liées au commerce dans la réponse à la crise de la biodiversité est de plus en plus reconnu. Le commerce peut exacerber la dégradation et la perte de la biodiversité, mais il peut également soutenir la conservation, l’utilisation durable et la restauration, au bénéfice du développement durable.
Le commerce peut exacerber la dégradation et la perte de la biodiversité, mais il peut également soutenir la conservation, l’utilisation durable et la restauration, au bénéfice du développement durable.
Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal, adopté en décembre 2022, constitue un nouveau point de référence pour (ré)examiner la pertinence de la politique commerciale pour le programme mondial de la biodiversité, et pour étudier la manière dont la mise en œuvre du nouveau programme pourrait soutenir à la fois le commerce durable et le développement durable. L’attention croissante portée à l’environnement et au développement durable au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) offre également l’occasion de discuter de la manière dont la politique commerciale peut contribuer au programme mondial de la biodiversité.
L’arène de la politique commerciale offre diverses opportunités de renforcer la coopération sur le commerce et les politiques et mesures liées au commerce qui s’alignent sur les objectifs mondiaux en matière de biodiversité et sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et ses Objectifs de développement durable (ODD). Le commerce durable peut faire partie de la solution.
Pour concrétiser ces opportunités, les acteurs de la biodiversité et du commerce doivent avoir une compréhension commune de l’utilisation des différentes politiques et mesures commerciales et liées au commerce. Cette compréhension est essentielle pour veiller à ce que ces politiques et mesures apportent des avantages dans les trois domaines de la biodiversité, du commerce durable et du développement durable.
En quoi le commerce et les politiques commerciales sont-ils pertinents pour les cibles mondiales relatives à la biodiversité ?
L’examen de la manière dont le commerce peut soutenir le Cadre mondial de la biodiversité (et vice versa) exige de s’intéresser à la manière dont le commerce et les politiques liées au commerce contribuent aux objectifs et aux cibles concrets de ce cadre.
Un examen systématique des objectifs du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal indique que le commerce et les politiques et mesures liées au commerce sont pertinents pour atteindre toutes les cibles du Cadre mondial de la biodiversité.
Par exemple, les chaînes d’approvisionnement durables soutenues par les politiques liées au commerce peuvent favoriser la gestion et l’utilisation durables des écosystèmes et des ressources de la biodiversité (cible 10). De même, les cibles 7, 8 et 16 sur la pollution, le changement climatique et la consommation durable, respectivement, ont toutes à gagner d’un renforcement de la coopération liée au commerce visant à réduire les émissions et la pollution. Enfin, les discussions en cours sur les subventions dans le domaine de la politique commerciale ont une incidence directe sur la réalisation de la cible 18 portant sur l’élimination, la suppression progressive ou la modification des mesures d’incitation préjudiciables à la biodiversité, y compris sur la mise en œuvre de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche.
En outre, la politique commerciale joue un rôle direct dans la lutte contre le commerce des espèces sauvages (cible 5) ainsi que dans la prévention de la propagation des espèces exotiques envahissantes (cible 6) et des organismes vivants modifiés (cible 17) par le biais du commerce.
En soutenant l’action politique à tous les niveaux, des efforts concertés visant à intégrer les objectifs et les considérations liés à la biodiversité dans l’assistance technique et le renforcement des capacités pour le commerce durable, y compris par le biais de l’aide pour le commerce, pourraient contribuer à la réalisation des cibles en matière de mobilisation des ressources, de renforcement des capacités et de transfert de technologie (cibles 19 et 20). Enfin, les cibles 14 et 15 sur l’intégration des politiques et les notifications et la conformité des entreprises sont susceptibles d’avoir des implications concrètes dans le domaine du commerce, notamment sur la manière dont les pays élaborent, poursuivent et mettent en œuvre leurs politiques commerciales internationales, y compris celles axées sur les chaînes d’approvisionnement spécifiques aux produits de base.
Quelles sont les politiques et mesures liées au commerce pertinentes ?
Il est nécessaire d’identifier des politiques et des mesures liées au commerce concrètes qui peuvent être utilisées pour soutenir la réalisation des différentes cibles du Cadre mondial de la biodiversité, soit en décourageant les pratiques et les échanges non durables, soit en encourageant les pratiques et les échanges durables. L’identification des options disponibles et l’évaluation des opportunités qu’elles représentent, de leurs défis et de leur faisabilité permettront aux pays d’envisager des politiques commerciales et liées au commerce appropriées pour la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité en vue d’obtenir des résultats positifs à la fois pour la biodiversité et pour le développement durable au sens large.
Il est nécessaire d’identifier des politiques et des mesures liées au commerce concrètes qui peuvent être utilisées pour soutenir la réalisation des différentes cibles du Cadre mondial de la biodiversité.
Les pays disposent de plusieurs options concernant les politiques et les mesures commerciales. Il s’agit notamment d’outils et de processus de soutien, tels que les mesures aux frontières (par exemple, les droits de douane et les restrictions commerciales), et ceux appliqués dans le contexte des cadres nationaux ou des opérations commerciales (par exemple, les normes volontaires pour les produits respectueux de la biodiversité, les exigences environnementales obligatoires pour les biens et services échangés, ou les incitations économiques telles que les subventions). L’aide pour le commerce, l’assistance financière et le renforcement des capacités, l’implication des parties prenantes et les informations sur les flux commerciaux et leur impact sont également des outils politiques pertinents. Voir le PNUE et TESS pour plus d’informations.
En outre, les Accords commerciaux régionaux (ACR) sont de plus en plus utilisés pour soutenir les objectifs de biodiversité. Les ACR peuvent faciliter la réalisation de la cible 14 sur l’intégration de la biodiversité dans différents domaines politiques, avec des retombées positives prévues pour plusieurs autres cibles. Par exemple, ils pourraient inclure des dispositions relatives à l’accès préférentiel pour les produits respectueux de la biodiversité, à la promotion de la coopération réglementaire et des exigences environnementales, ainsi qu’à la mise en place de mesures de sauvegarde de la biodiversité. Enfin, les ACR pourraient renforcer les évaluations d’impact, les mécanismes de participation des parties prenantes et le suivi de la mise en œuvre afin de promouvoir les bonnes pratiques réglementaires et un programme commercial positif pour la biodiversité et l’environnement.
À l’avenir, il faut faire progresser le commerce positif pour la nature et renforcer la coopération en la matière
Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal, associé à l’intérêt croissant pour l’environnement et le développement durable dans le cadre des politiques et mesures commerciales, offre des possibilités d’explorer la manière dont les programmes du commerce mondial, de la biodiversité et du développement durable pourraient se soutenir mutuellement.
Au niveau multilatéral, les discussions en cours sur la politique commerciale offrent des possibilités d’améliorer la coopération et les synergies entre la biodiversité mondiale, le commerce et le développement durable. Des discussions pertinentes ont lieu au sein de nombreux comités de l’OMC, notamment ceux du commerce et de l’environnement, des obstacles techniques au commerce et des mesures sanitaires et phytosanitaires. Il existe également des possibilités spécifiques de soutenir la coopération par le biais d’initiatives menées par les Membres de l’OMC, telles que les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale et le dialogue sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durables. Une coopération renforcée entre les secrétariats de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et de l’OMC dans le contexte du Cadre mondial de la biodiversité pourrait favoriser l’identification et l’examen des options, défis et opportunités clés par les gouvernements et les parties prenantes.
En parallèle, les gouvernements prennent également part à des initiatives sectorielles ou de la chaîne d’approvisionnement spécifiques, notamment le dialogue sur les forêts, l’agriculture et le commerce des produits de base. Ces dialogues entre gouvernements, ou entre les gouvernements et les entreprises peuvent jouer un rôle important en encourageant la collaboration internationale sur le commerce, la biodiversité et le développement durable pour plusieurs produits de base clés (par exemple l’huile de palme, le cacao, le bois et le soja), avec un impact potentiel sur les discussions à l’OMC et la CDB.
Les synergies et la coopération entre les politiques en matière de biodiversité, de commerce et de développement durable au niveau international reposeront sur le renforcement de la collaboration au niveau national, de manière à garantir une approche intégrée qui puisse se refléter de manière cohérente dans les processus internationaux.
À l’avenir, une vision stratégique permettant d’obtenir des avantages à la fois pour la biodiversité et le commerce durable pourrait faire partie intégrante des stratégies et des plans d’action nationaux en matière de biodiversité, avec des indicateurs appropriés permettant de suivre les progrès réalisés dans leur mise en œuvre. Ces stratégies et plans d’action pourraient nécessiter des processus favorisant une meilleure cohérence entre les politiques commerciales et les autres politiques au niveau national, notamment en faisant participer les institutions et les acteurs de l’environnement, de la biodiversité et du développement durable aux prises de décisions dans le domaine du commerce. Ils pourraient également approuver la réalisation d’évaluations d’impact sur la durabilité afin d’orienter les stratégies de politique commerciale et les négociations avec les partenaires commerciaux.
Enfin, lorsque les gouvernements envisagent d’utiliser les politiques et mesures commerciales pour soutenir la réalisation des objectifs de biodiversité, la coopération internationale sera importante pour veiller à ce que les politiques dans les domaines du commerce et de la biodiversité ne s’affaiblissent pas mutuellement et qu’elles soutiennent le développement durable.
La coopération internationale sera importante pour veiller à ce que les politiques dans les domaines du commerce et de la biodiversité ne s’affaiblissent pas mutuellement.
Dans une économie mondiale dominée par des chaînes d’approvisionnement fortement intégrées, la résolution des problèmes environnementaux transfrontaliers tels que la perte de biodiversité bénéficiera d’approches politiques cohérentes et de la coopération entre les juridictions. Les économies en développement, en particulier, ont souligné l’importance de la transparence, de la consultation et de la coopération internationale dans l’élaboration de politiques commerciales liées à l’environnement, tout en reconnaissant les responsabilités différenciées et la souveraineté nationale sur les ressources naturelles.
Les avantages de la coopération internationale sont particulièrement importants pour les politiques visant à supprimer les incitations perverses, telles que les subventions préjudiciables à l’environnement dans les secteurs de l’agriculture ou de la pêche, et à encourager le commerce de produits et de services préférables pour l’environnement, notamment ceux qui soutiennent la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. De même, le fait de veiller à ce que les réglementations, les normes et les procédures d’évaluation de la conformité environnementale soient appliquées de manière à garantir la transparence, l’équité et l’interopérabilité entre les pays (par exemple, par le biais de l’harmonisation ou de la reconnaissance mutuelle) permettrait de minimiser les tensions commerciales. La coopération internationale pourrait également favoriser le relèvement des normes environnementales dans les différentes juridictions. L’amélioration de la cohérence soutiendrait également les producteurs qui participent aux échanges internationaux en fournissant des signaux clairs sur les priorités et les récompenses potentielles pour l’investissement dans la production durable et les opportunités commerciales qui y sont liées.
La série de webinaires Nature-Positive Trade for Sustainable Development se déroule de juin 2023 à mars 2024 et vise à soutenir cette compréhension par le partage d’informations et de connaissances et l’échange de points de vue et d’idées entre experts et institutions. Des institutions clés travaillant à l’intersection de la biodiversité, du commerce et du développement durable ont coopéré à cette série, notamment le UKRI GCRF TRADE Hub, le PNUE, l’OMC, la CDB, l’Initiative BioTrade de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et le Centre du commerce international.
Marianne Kettunen est une experte politique senior et une conseillère sur le développement durable et l’environnement qui travaille pour le Centre pour le commerce, le développement et l’environnement. Cet article est basé sur le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le Forum sur le commerce, l’environnement et les ODD (TESS) (2023). Nature-positive trade for sustainable development: Opportunities to promote synergies between the Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework and work on sustainable trade at the WTO. UK Research and Innovation Global Challenges Research Fund (UKRI GCRF) Trade, Development and the Environment Hub (TRADE Hub), PNUE, et TESS.
You might also be interested in
IISD Annual Report 2023–2024
While IISD's reputation as a convenor, a trusted thought leader, and a go-to source on key issues within the sustainable development field is stronger than ever, the work happening outside the spotlight is just as valuable.
Why Trade Matters in the Plastic–Pollution Treaty Negotiations
The global push to end plastic pollution by 2040 highlights the critical intersection of trade and environmental action, with upcoming INC-5 negotiations focusing on reducing plastic production, consumption, and waste within a fair and effective international framework.
The WTO and Fisheries Subsidies: Where are we, exactly?
What are the latest developments in WTO fisheries subsidies negotiations, focusing on marine conservation, community impact, and sustainable fishing practices? Tristan Irschlinger offers a comprehensive overview explaining key aspects of the agreement, ongoing discussions, and what’s at stake for global fishery sustainability.
COP 16 in Cali Delivers Key Outcomes for Nature but Questions Remain on Funding
There were some very real wins, and the Colombian government should be applauded for the energy, coordination, and strong sense of community that they brought to the conference as well as to the profile of biodiversity. But the lack of progress on some key negotiation items is concerning.