Des résultats pour l’environnement à la CM12
Les perspectives de renforcement de la coopération commerciale relative aux défis environnementaux et aux Objectifs de développement durable
Carolyn Deere Birkbeck du Forum sur le commerce, l’environnement et les ODD, analyse certaines des principales opportunités qui se présentent aux décideurs commerciaux à l’occasion de la 12ème conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce à venir, de répondre aux crises environnementales de manière à soutenir le développement durable.
En amont de la 12ème conférence ministérielle (CM12) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un grand groupe de membres de l’OMC s’efforcent de promouvoir une coopération multinationale renforcée sur la question de la durabilité environnementale. Leurs efforts sont motivés par la reconnaissance de la nécessité de veiller à ce que les échanges et les politiques commerciales soutiennent les actions menées pour répondre aux défis environnementaux mondiaux et pour favoriser la mise en œuvre des Objectifs de développement durable des Nations Unies, qui mettent en avant les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable. À l’heure où il est plus urgent que jamais de répondre à la triple crise environnementale – le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution, la perspective d’adopter des mesures essentielles allant dans la bonne direction à l’occasion de la CM12 est élevée.
La première priorité environnementale pour les ministres consiste à conclure un accord équilibré et significatif sur les subventions à la pêche. Les négociations, entamées il y a bien longtemps, visent à lutter contre les subventions qui favorisent la pêche illégale, non déclarée et non réglementée ou encouragent la surcapacité et la surpêche, car ces formes de soutien contribuent directement à l’épuisement des stocks mondiaux de poisson et à la dégradation des écosystèmes marins. La création de nouvelles règles commerciales multilatérales contraignantes, quel qu’en soit le sujet, est incroyablement difficile, et l’obtention d’un résultat environnemental crédible à l’OMC dans le secteur de la pêche, où les enjeux économiques et commerciaux sont énormes et étroitement liés à la durabilité, serait extraordinaire.
La première priorité environnementale pour les ministres consiste à conclure un accord équilibré et significatif sur les subventions à la pêche.
À la CM12, les membres ont aussi l’opportunité de parler de l’importance d’une plus grande coopération en matière de commerce, d’environnement et de développement durable à l’OMC. Idéalement, les membres incluront un point sur l’environnement à l’ordre du jour officiel de la ministérielle. Par ailleurs, toute déclaration ministérielle des membres après la CM12 devrait inclure un engagement clair en faveur d’une coopération commerciale inclusive sur le climat, l’environnement, et le développement durable, notamment grâce à l’intégration des considérations de durabilité dans tous les travaux des comités de l’OMC. Suite à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), les membres devraient également reconnaitre spécifiquement la pertinence d’une meilleure collaboration en matière de commerce pour faire avancer les objectifs et principes de la COP 26 et de l’Accord de Paris. Une telle coopération devrait veiller, entre autres, à ce que les politiques climatiques ne restreignent pas injustement les échanges, et que les pays en développement reçoivent l’appui commercial renforcé dont ils ont besoin en soutien d’un développement respectueux du climat et de leurs efforts d’adaptation climatique.
Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale : point d’entrée clé de l’environnement à l’OMC
Il existe également de nouvelles opportunités de coopération en faveur des objectifs climatiques à l’OMC, ainsi qu’un domaine où l’on peut s’attendre à des progrès de la part des membres à la CM12. Les premières concernent le processus sans précédent des Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale (TESSD), lancée en novembre 2020 par 53 membres de l’OMC.
Depuis un an, les TESSD ont offert aux membres l’espace dont ils avaient besoin pour échanger leurs points de vue sur tout un ensemble de questions, partager leurs propositions, et galvaniser l’attention sur le lien entre commerce, environnement et développement durable à l’OMC. Les réunions sont ouvertes à tous les membres, et, pour la première fois à l’OMC, elles ont permis la participation de certaines parties-prenantes non-étatiques extérieures, et d’une liste élargie d’organisations internationales.
Plus de 60 États membres ont confirmé leur coparrainage d’un projet de déclaration TESSD à la CM12, qui souligne l’importance de la coopération en matière de durabilité environnementale dans la sphère du commerce multilatéral, et prévoit une feuille de route des travaux futurs.
Lancées conjointement par le Canada et le Costa Rica, les TESSD bénéficient également du soutien de certains acteurs commerciaux majeurs tels que l’Union européenne, la Chine, les États-Unis et le Japon, ainsi que du Royaume-Uni et de l’Australie, et de pays en développement allant de la Colombie aux Fidji, en passant par le Chili, le Sénégal et le Tchad. Les coparrains incluent également plusieurs économies en transition, telles que le Kazakhstan, la Moldavie et l’Albanie. Tous ensemble, ils encouragent autant de membres de l’OMC que possible à se joindre à la déclaration TESSD dans le but de signaler l’importance d’une plus grande coopération entre les membres de l’OMC, et pour poursuivre les travaux de manière inclusive. Élément critique, les coparrains ont souligné que le fait d’appuyer la déclaration ne contraignait aucun pays à prendre part aux négociations sur les nouvelles règles multilatérales ou à s’engager en termes d’accès aux marchés. L’objectif principal est de susciter un dialogue intensifié qui sera vital pour résoudre les problèmes, éviter les tensions commerciales, et définir toute initiative future entre les membres aux vues similaires. Les coparrains ont également indiqué que le processus TESSD visait à compléter les discussions multilatérales des processus réguliers de l’OMC et offrir un espace informel aux membres leur permettant d’envisager des approches inclusives et innovantes de la coopération, qui pourraient par la suite être reprises par les organes pertinents, tels que le Comité du commerce et de l’environnement.
La déclaration ministérielle TESSD donne aux gouvernements et parties-prenantes l’occasion de progresser sur ces trois crises environnementales entrecroisées.
S’agissant du climat, elle donne l’occasion de mener un dialogue inclusif sur le lien entre commerce et politiques climatiques, et de stimuler la coopération multilatérale sur la manière dont le commerce et les politiques commerciales peuvent soutenir la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris de manière à répondre aux points de vue et préoccupations des pays en développement.
S’agissant de la perte de biodiversité, la déclaration ministérielle TESSD donne l’occasion de mieux comprendre les effets des échanges sur la biodiversité et les écosystèmes, l’utilisation durable et la restauration de la nature et des ressources naturelles, notamment grâce à une agriculture et un commerce des marchandises essentielles plus durables.
S’agissant de la pollution, elle permet aux membres de discuter de manières concrètes de coopérer sur le commerce et les politiques commerciales capables de soutenir des économies circulaires moins polluantes, qui utilisent les ressources efficacement, et aux effets positifs sur la nature.
La Déclaration ministérielle sur la pollution par les plastiques
Un groupe de plus de 65 membres de l’OMC devrait également émettre une déclaration ministérielle sur la pollution par les plastiques à la CM12. Le Dialogue informel sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durable (DIP), lancé en novembre 2020 par 16 membres de l’OMC, a d’abord été stimulé par un groupe de pays en développement mené par la Chine et les Fidji. En 2021, les discussions DIP ont mis l’accent sur 6 thèmes : la transparence, la coopération internationale, le partage d’informations, la cohérence des politiques, les actions volontaires, et l’assistance technique et le renforcement des compétences. Menées par six coorganisateurs (l’Australie, la Barbade, la Chine, l’Équateur, les Fidji et le Maroc), ces réunions sont ouvertes à tous les membres de l’OMC ainsi qu’à certains groupes de parties-prenantes. La déclaration ministérielle identifie les opportunités concrètes de coopération en matière de commerce et de politiques commerciales capables de contribuer à réduire la pollution plastique et de soutenir le développement durable, tout en complétant et en promouvant la cohérence avec les efforts internationaux plus larges, notamment ceux de l’Assemblée environnementale des Nations Unies, où plus de 100 pays appellent à l’adoption d’un nouvel accord mondial sur la pollution par les plastiques.
Déclaration ministérielle sur la réforme des subventions aux combustibles fossiles
Un groupe de 43 membres de l’OMC émettra une déclaration ministérielle sur la réforme des subventions aux combustibles fossiles à la CM12. La déclaration engagera les membres qui la coparrainent à améliorer l’échange d’information dans le but de faire progresser les discussions « en vue de mettre en place des disciplines ambitieuses et effectives sur les subventions inefficaces aux combustibles fossiles […] y compris en améliorant la transparence et la communication de renseignements à l’OMC » et d’élaborer des options concrètes pour avancer sur la question avant la 13ème Conférence ministérielle. Parmi les développements significatifs récents, notons que l’Union européenne (et ses 27 membres), le Royaume-Uni, le Japon et les États-Unis ont coparrainé la déclaration ministérielle, ainsi que plusieurs pays en développement, y compris des Petits États insulaires en développement (PEID). En plus d’appeler à la rationalisation et à l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles conformément à un calendrier clair, la déclaration prévoit un processus de dialogue, de transparence, d’apprentissage et de partage des données d’expérience. Elle reconnait également que la réforme des subventions aux combustibles fossiles « doit tenir pleinement compte des besoins et conditions spécifiques des pays en développement et minimiser les éventuels effets négatifs sur leur développement d’une manière qui protège les pauvres et les communautés affectées ».
Toutes ces initiatives menées par des membres révèlent un problème transversal : la nécessité de soutenir le financement, le renforcement des compétences et l’assistance technique aux pays en développement s’agissant du lien entre commerce, environnement et développement durable, de manière à soutenir leurs objectifs de diversification économique et leurs priorités commerciales.
Toutes ces initiatives menées par des membres révèlent un problème transversal : la nécessité de soutenir le financement, le renforcement des compétences et l’assistance technique aux pays en développement s’agissant du lien entre commerce, environnement et développement durable, de manière à soutenir leurs objectifs de diversification économique et leurs priorités commerciales. Les appels en faveur d’une telle Aide pour le commerce renforcée pourraient être réalisés non seulement en intégrant les objectifs environnementaux mais aussi en accordant des ressources supplémentaires aux activités environnementales menées dans le cadre de l’Aide pour le commerce. Ce soutien sera essentiel pour permettre aux pays les plus vulnérables face au changement climatique d’adapter leurs production et échanges au climat changeant, de promouvoir la résilience commerciale face aux chocs climatiques, de transformer les pratiques de production agricole en faveur des objectifs de conservation de la nature et climatiques, et d’aider les entreprises des pays en développement à satisfaire les normes environnementales et à adopter des approches d’une production et consommation durables fondées sur l’économie circulaire.
Aborder la durabilité environnementale du point du vue du développement durable
Dans un avenir proche, le principal obstacle à l’avancement des efforts environnementaux dans le contexte multilatéral consistera à combiner l’ambition environnementale à une approche permettant d’impliquer les pays en développement en tant que partenaires, qui reflète leurs priorités commerciales liées à l’environnement et réponde à leurs intérêts en matière de développement durable. L’on ne peut sous-estimer l’importance d’une approche impliquant les pays en développement. Cet engagement est vital si l’on souhaite développer une économie mondiale verte, qui ne laisse personne pour compte, et pour éviter une économie mondiale à deux vitesses, où seul un petit groupe de pays pratique les échanges verts et où nous négligeons l’action essentielle consistant à encourager et soutenir des modèles de production et de consommation durables dans tous les pays.
Il est important de noter que les nouvelles initiatives menées par les membres à l’OMC indiquent que si les fonctions d’établissement des règles et de négociations restent essentielles à l’organisation commerciale internationale, les gouvernements reconnaissent aussi la nécessité de tenir des débats politiques et de régler les problèmes des questions sectorielles et des défis commerciaux spécifiques de manière soutenue, transparente et inclusive. Compte tenu des difficultés bien connues de parvenir à un consensus multisectoriel à l’OMC, les gouvernements explorent de nouvelles voies de travail au sein des cadres multilatéraux et dans un esprit multilatéraliste, et de nouvelles manières de redéfinir la forme des progrès et des résultats. Dans ce cadre, les meilleures pratiques, les actions volontaires, les engagements et les orientations sont capables non seulement de soutenir la pertinence du système commercial multilatéral mais aussi de soutenir l’action politique nécessaire au niveau national pour appuyer des échanges qui sous-tendent les objectifs environnementaux et durables.
Le principal obstacle à l’avancement des efforts environnementaux dans le contexte multilatéral consistera à combiner l’ambition environnementale à une approche permettant d’impliquer les pays en développement en tant que partenaires, qui reflète leurs priorités commerciales liées à l’environnement et réponde à leurs intérêts en matière de développement durable.
Au-delà de la CM12, la réalisation de progrès environnementaux qui reflètent les préoccupations liées au développement durable exigera un leadership, un engagement et un plaidoyer plus forts sur ces questions de la part des entreprises, de la société civile, et de la communauté de la recherche des pays développés et en développement, ainsi que des économies en transition. Des discussions et actions significatives et inclusives à l’OMC exigeront également davantage d’efforts pour renforcer la cohérence des processus nationaux d’élaboration de politiques environnementales, de développement et commerciales ; les ministères de l’Environnement auront un rôle clé à jouer pour veiller à ce que leur expertise en matière d’environnement soit prise en compte, et à la mise en place de cadres et institutions réglementaires robustes pour la mise en œuvre des engagements nationaux, régionaux et internationaux. Au niveau national, les pays font face à des intérêts politiques et d’autre nature complexes alors qu’ils s’efforcent de transformer leurs économies en faveur d’une meilleure durabilité, et de faire face aux coûts de la transition.
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